Pour saisir cet attachement et cette fraternité entre les membres de la communauté musulmane tidjane du Nigeria et du Sénégal, on ne peut occulter le travail de pionnier joué par Cheikh Ibrahim Niass. Un travail qui donne un sens particulier à la visite de l’émir de Kano en terre sénégalaise.
C’est pendant la période orageuse de la seconde guerre mondiale que Cheikh Ibrahim Niass a parcouru le monde pour propager l’islam. Son appel islamique qui revêt une dimension internationale le poussera à développer son action en dehors du Sénégal, considéré comme islamisé et bien servi dans le domaine de la formation religieuse. Son action a eu un succès énorme au Nigeria où l’on compte plusieurs millions de fidèles acquis à la Tidjaniya.
Ce pacte d’allégeance avec ce pays remonterait en 1937, lors de son premier pèlerinage à La Mecque où il rencontra Abdullahi Bayero, émir à l’époque de Kano (père du Docteur Ado Bayero, actuel émir de Kano). Abdullahi Bayero avait formulé à l’époque trois prières quand il fut jeune enfant. « J’avais demandé à Dieu d’être l’émir de Kano ; d’avoir la possibilité de faire le pèlerinage à La Mecque ; et, enfin, de rencontrer sur le tombeau du prophète à Médine, le khalife de Cheikh Ahmed Tidjany pour renouveler mon « Wird »... », racontera-t-il à ses proches. Dieu a exaucé ses prières. Sur le tombeau du prophète à Médine, il a rencontré Cheikh Ibrahim Niass qui lui a renouvelé son « Wird » et l’a nommé « Moukhadam » (maître chargé de l’initiation spirituelle et agréé à donner le Wird Tidjane)
. Depuis lors, le nombre de talibés de Cheikh Ibrahim Niasse n’a cessé de croître dans ce pays. D’ailleurs, l’avènement de sa mission dans ce pays a été annoncé par Ousmane Dan Fodio (1754-1817) qui a établi la dominance des « Fulani » sur les provinces « Hausa ». A travers un poème écrit en « Fulani » et en arabe où il annonce les grands noms de l’islam aussi bien de l’époque contemporaine que des temps à venir. Parmi les noms cités figurent Cheikh Ibrahim Niass. Son nom apparent est « Ibrahim » et son nom caché est « le Saint Maître ». Il viendra de l’Ouest et apparaîtra en pays Haoussa vers 1946. Toujours dans ce poème, Ousmane Dan Fodio note qu’Ibrahim sera un visiteur assidu au pèlerinage et le nom de son père sera Abdoulaye et celui de sa mère Aïcha. A son apparition, il y aura selon lui, une résurgence de la foi islamique et tous finiront par rentrer sous son autorité.
L’année 1946 correspond à la première visite du Cheikh en pays Haoussa où il réussit à réunir sous sa bannière la presque totalité des dignitaires tidjanes de la ville de Kano
Ce n’est pas tout. Le docteur Ado Bayero a obtenu la bénédiction et les prières des dignitaires de la communauté de Médina Baye en première ligne Cheikh Ibrahim Niass en 1963 avant de quitter le Sénégal pour assumer les charges successorales d’émir de Kano.
Comme quoi, on ne peut fuir son destin, encore moins effacer des pages déjà décrites par le Créateur.
|